PROTESTANTS  A  MARSEILLE *

 

 

 

 

 

Pourquoi évoquer l’histoire de ce groupe qui, malgré sa faible importance numérique, a déjà fait l’objet de diverses études ? Je lui avais personnellement consacré plusieurs recherches, en particulier sur les Vaudois à Marseille au XIIIe siècle, les Vaudois du Luberon au XVIe siècle, l’édit de Nantes, sa révocation, les protestants à Marseille au XIXe siècle, les lieux de mémoire des protestants de Provence. L’occasion m’a été donnée de publier un volume regroupant les résultats de mes investigations, et susceptible de fournir une vue générale, quoique succincte. Par l’intermédiaire du Père Paul Amargier, o.p., j’ai fait la connaissance du Père René Quan Yan Chui, o.p., qui a monté la société COMEGRAV pour éditer les études historiques ou sociologiques sur Marseille, et qui a bien voulu porter de l’intérêt à ce projet. Qu’ils soient remerciés l’un et l’autre de me permettre ainsi d’offrir aux lecteurs cette petite histoire, non pas du protestantisme - l’aspect théologique n’est pas dans mon propos, ni, bien sûr, dans mes compétences ! - mais des protestants.

 

Deux traits permanents caractérisent ce groupe : le petit nombre de ses membres, qui contraste avec leur poids social et économique, d’une part; et d’autre part, leurs origines, très rarement provençales.

 

 

LES DEBUTS

 

Les premiers Provençaux qui aient accueilli la Réforme ont été les Vaudois du Luberon, dont l’adhésion massive a été emportée par l’éloquence enflammée de Guillaume Farel, le réformateur gapençais, à l’assemblée de Chanforan (1532); on sait que, peut d’années après, ils ont été persécutés et massacrés. A cette époque, une communauté protestante existe à Marseille, et certains de ses membres sont connus, par leurs démêlés avec les autorités; ce petit groupe est surtout formé d’artisans ou de marchands; le peuple marseillais des pêcheurs, cultivateurs, ouvriers, est très peu tenté par « la nouvelle religion », qui écarte les marques extérieures de la dévotion, processions, pèlerinages, statues, auxquelles il est très attaché. Quant à ce que nous appellerions les intellectuels, il y en a peu de connus sur place; le parlement est à Aix - et, du reste, demeure résolument hostile. Dès ce moment, quelques-uns des négociants en vue sont protestants.


LES TROUBLES

 

On connait les ravages matériels et moraux des guerres de religion qui ont désolé la France et la Provence pendant quarante ans; il faut s’imaginer des horreurs dix fois, cent fois pires que celles qu’a connues l’Irlande, par exemple, ces dernières années; le pays était, littéralement, à feu et à sang. A Marseille, pourtant, la principale préoccupation est celle du commerce : la coalition contre les Turcs à laquelle ne participe pas le roi de France, fait de Marseille le seul grand port libre sur la Méditerranée, et les affaires en profitent (on sait que les Turcs ont été arrêtés à Lépante (1571) par la flotte chrétienne commandée par Don Juan d’Autriche). On s’occupe donc peu des quelques huguenots, à qui pourtant sont résolument hostiles tant la population que la municipalité : les statuts du XIIIe siècle, accords entre Charles Ier comte de Provence et la commune, prohibaient toute hérésie. S’appuyant sans cesse sur ces dispositions vieilles de trois siècles, la ville a, ainsi, constamment refusé d’appliquer les différents édits de Charles IX ou d’Henri III qui accordaient des libertés aux protestants, considérés comme contraires aux privilèges de la ville; il faut préciser ici que, loin d’établir une uniformité, l’Ancien Régime connaît des statuts particuliers pour des provinces, des villes, des individus, dispositions héritées de l’Histoire.

 

Pourtant, pas de Saint-Barthélémy à Marseille, pas plus qu’en Provence; après avoir longtemps attribué cela au refus du gouverneur de se comporter en bourreau, on pense aujourd’hui que, tout simplement, le petit nombre des protestants ne justifiait pas cette rigueur. On se rappelle peut-être la dictature de Casaulx, puis son échec final, qui fait rentrer dans l’obédience royale la ville qui en était sortie; après avoir obstinément refusé de reconnaître Henri IV comme roi de France, malgré sa conversion et son sacre (1593-1594), Marseille n’a capitulé que lorsque Henri IV, déjà maître de la totalité de son royaume, s’est débarrassé de Casaulx en le faisant assassiner (1596); il se serait alors écrié « c’est maintenant seulement que je suis roi de France ! ».

 

 

SOUS L’EDIT DE NANTES

 

Mais la population marseillaise n’accepte pas pour autant la présence dans la ville de protestants, devenue cependant légale avec l’édit de Nantes (1598). Etroitement contrôlée et quadrillée par l’Eglise, de nombreux ordres religieux, des confréries dont certaines - les pénitents - ont été qualifiées par la suite de « fer de lance de la contre-réforme » -, la ville, obligée d’appliquer l’édit de Nantes (alors que les édits précédents y étaient restés lettre morte), ne le fait qu’à contrecoeur. En effet, s’il peut y avoir des habitants protestants, aucun « exercice » n’est admis. Le lieu le plus proche où il soit autorisé est Velaux où, sur la propriété de la famille Solicoffre (les Zollicoffer, négociants suisses originaires de Saint Gall), est bâti un temple. On imagine sans peine la difficulté pour participer à un culte, à une cérémonie : il faut un attelage, ou une monture, et il faut prendre son temps. Que faire pour un baptême - administré aux tout premiers jours de la vie -, pour un enterrement ? Un pasteur peut résider à Marseille, mais il ne peut y exercer aucun ministère.

 

Difficultés de toute sorte aussi pour les artisans, groupés en corps de métiers, chacun doublé d’une confrérie; s’il n’adhère pas à la confrérie - et comment le pourrait-il sans imposture ? -l’artisan protestant se distingue fâcheusement de ses collègues... Quant aux membres des professions libérales, avocats, médecins, on recommande discrètement à leurs confrères de ne pas consulter avec eux : dans tous les cas, on espère les voir débarrasser Marseille de leur présence importune. A moins qu’ils ne se rallient au catholicisme, ce à quoi s’emploient de nombreuses associations et confréries, telle la compagnie du Saint Sacrement, dont c’est le but avéré.

 

Mais les négociants étrangers, qui, n’étant pas sujets du roi de France, échappent à ces pressions, encadrent et soutiennent leurs coreligionnaires français, venus, eux, souvent, du Languedoc ou du Dauphiné proches, où la Réforme a de nombreux adeptes. La surface sociale des principaux négociants protestants français leur fait espérer qu’ils vont échapper aux dispositions impitoyables de la révocation de l’édit de Nantes, qui exige la conversion immédiate (1685); après bien des hésitations, l’abjuration, inévitable, est acquise... dès que les dragons ont passé quelques jours à Marseille, logés chez les protestants. On peut se demander, à juste titre, si cette conversion est sincère et profonde...

 

 

LA CLANDESTINITE

 

Au XVIIIe siècle, il n’existe donc plus que des anciens catholiques et des « nouveaux convertis », convertis au zèle souvent très tiède, à l’évidence. Emigration, en particulier vers la Suisse, et clandestinité, vont caractériser cette période, pour la petite communauté marseillaise. Nombreuses sont les familles dont certains membres s’installent à l’étranger, alors que d’autres restent sur place, ou y viennent retrouver, pour leurs affaires, des parents. A cette période, existent à Marseille deux groupes bien distincts : au haut de l’échelle sociale, les négociants, français ou étrangers (ces derniers, qui ne sont pas sujets du roi de France, peuvent librement exercer leur culte), autour desquels artisans, domestiques, cherchent protection; et, à l’autre extrémité, dans la misère la plus totale, les galériens.


LES GALERES

 

Marseille est le port d’attache de ces bateaux, maniés à la voile et à la rame, qui sont déjà dépassés au point de vue technique, mais que l’on persiste à conserver pour le prestige. Pour fournir la chiourme - les rameurs -, aux esclaves turcs, en nombre insuffisant, sont ajoutés les condamnés de droit commun, en particulier les faux-sauniers; à partir de la révocation, les protestants surpris à une assemblée clandestine ou dans une tentative de sortir du royaume sont condamnés aux galères. Ces embarcations, en dehors des campagnes, assez courtes, sont amarrées à Marseille. Les galériens peuvent aller à terre, et même y exercer de petits métiers, ou être domestiques chez les officiers; faveurs dont ne bénéficient pas les protestants, qui parviennent pourtant, souvent grâce aux Turcs, à communiquer avec leurs coreligionnaires marseillais. C’est par ce biais que nous sommes renseignés sur le sort - atroce - des galériens, et sur leurs pensées - souvent très élevées : des correspondances, des mémoires, nous sont parvenus. Les plus « opiniâtres », dont on peut craindre que leur exemple ne fortifie leurs camarades d’infortune, sont incarcérés au château d’If, aux forts Saint-Jean et Saint-Nicolas; une inscription, placée au château d’If en 1946, à l’initiative du pasteur Jacques Kaltenbach, le rappelle. La pitié qu’ils inspirent, leur fermeté qu’on admire, suscitent le soutien moral et matériel; des subsides sont réunis entre les mains d’un notable qui joue le rôle de trésorier pour venir en aide à ces frères.

 

En 1748, le corps des galères est réuni à celui des vaisseaux, et le bagne est transféré à Toulon; pour autant, les protestants restent prisonniers, mais ils sont, bien évidemment, de moins en moins nombreux.

 

 

LES LUMIERES

 

En effet, la seconde moitié du XVIIIe siècle voit s’établir une tolérance de fait - non officielle, à vrai dire, puisque les derniers galériens pour la foi ne sont libérés qu’en 1772; au nombre de deux seulement, ils exerçaient, à Toulon, leurs métiers de tailleur et de cordonnier... si bien qu’il faut le résultat de la quête faite pour eux à Marseille par le négociant Claude Eymar, qui a obtenu leur grâce, pour leur permettre d’accepter cette liberté inattendue... On sait que les prisonnières de la Tour de Constance n’ont été relâchées qu’en 1769, à l’initiative du prince de Beauvau, nouveau gouverneur du Languedoc, stupéfait et indigné de trouver ces malheureuses lorsqu’il a visité ses fortifications; rappelons que lors du deuxième centenaire de cet événement, qui a donné lieu à des films, les descendants du prince de Beauvau ont été invités à la commémoration organisée à Aigues-Mortes.

 

La société protestante marseillaise s’est maintenue grâce à sa cohésion - comme cela se produit dans toute minorité -, marquée à la fois par une endogamie très poussée et des relations constantes avec les pays du Refuge. Louis XVI, en 1787, promulgue l’édit que l’on a appelé « de tolérance », qui accorde aux protestants la possibilité d’un état-civil non-confessionnel, et quelques droits civils, sans toutefois leur concéder l’autorisation d’un culte public : c’est la reconnaissance, cent ans après la révocation, d’une confession officiellement inexistante !

 

 

LA SOCIETE PROTESTANTE A LA FIN DE L’ANCIEN REGIME

 

A ce moment-là, bien que théoriquement inexistants, les négociants protestants tiennent à Marseille le haut du pavé, et la proportion des protestants qui accèdent à cette catégorie sociale, particulièrement huppée, est dix fois plus forte que chez les autres. Venus du Languedoc, des Alpes, de Suisse, ils sont à la pointe du progrès dans l’armement et le commerce international. Ils brillent aussi dans la société intellectuelle, franc-maçonnerie, académie de Marseille. Dominique Audibert, l’un des plus connus, correspond avec Voltaire et Necker, et est probablement à l’origine de l’intérêt porté par le philosophe à l’affaire Calas. Dans l’artisanat, le petit commerce, les protestants, issus des mêmes régions, sont appréciés pour leur savoir-faire, leur probité. A la fin de l’Ancien Régime, des cultes sont célébrés, discrètement, et des pasteurs visitent les fidèles.

 

 

LA REVOLUTION

 

Amis du progrès, les protestants, dans leur ensemble, accueillent favorablement les réformes promises par le nouveau régime, et participent volontiers aux organismes mis en place. Le rétablissement du culte, la disposition de l’ancienne église de la Mission de France comme temple (1792), la présence d’un pasteur, semblent marquer le début d’une ère de paix. Mais cela ne dure guère, et ces tenants de l’ordre que sont les notables protestants prennent bientôt leurs distances. Les plus cossus paient un lourd tribut à la Terreur, non pas en raison de leur appartenance religieuse, mais à cause de leur attitude fédéraliste et de leur fortune. On prétend que l’exécution du riche négociant Hugues l’aîné, guillotiné à 84 ans, aurait suscité l’horreur du jeune Bonaparte pour les excès de la Révolution... Point de conflit de conscience, pourtant, pour les protestants (la question de l’obédience à Rome ne se pose pas pour eux). Attentisme prudent, dans le marasme économique de l’époque, jusqu’à ce que Bonaparte réorganise les cultes.


LA RECONSTRUCTION

 

Au Concordat passé avec le pape pour résoudre le problème des prêtres, jureurs ou non, et du rétablissement du culte catholique, le premier consul ajoute les « articles organiques », concernant les protestants et les juifs.

 

Les mêmes familles notables qui avaient maintenu et géré l’église clandestine de la fin de l’Ancien Régime forment le consistoire, louent une salle, rue Venture, au-dessus d’un magasin, font appel à un pasteur suisse. L’activité de l’Eglise se manifeste, d’une part par les cultes et l’éducation, et d’autre part par la charité, essentielle dans cette période de grande difficulté économique. L’attachement au souverain officiel - Napoléon, puis le roi - est constant, chez les protestants comme ailleurs. Et c’est sous la monarchie constitutionnelle que la communauté protestante peut enfin construire un édifice du culte convenable, le temple de la rue Grignan (1825), qui reste le principal lieu de rassemblement actuellement.

 

 

L’ETABLISSEMENT ET L’EXPANSION

 

Le XIXe siècle, grande époque pour Marseille, voit la participation accrue des protestants à la vie économique, politique, intellectuelle. Quelques grandes familles, Girard, Fraissinet, Couve, Baux, Rabaud, Baccuet, Bazin, Bruniquel, Carcénac, Imer, Rouffio, Roulet, Bosc, Schloesing, d’origine non-marseillaise, ont connu une réussite éclatante dans la banque, l’armement, le négoce; plusieurs, déjà présentes sous l’Ancien Régime, le sont encore de nos jours. Devenus - ce qui a été longtemps impossible, quelles que fussent l’activité et la fortune - membres de la chambre de commerce, du conseil municipal, les notables protestants s’appuient sur leur famille et leurs alliés; on se marie entre soi, on forme des sociétés commerciales avec sa parenté.

 

Quelques noms bien connus émaillent cette période : celui de Frantz Mayor de Montricher, ingénieur, polytechnicien, d’origine suisse (mais la Suisse est alors dans l’Empire français); entre autres grands travaux, on lui doit l’aqueduc de Roquefavour, le tracé de la Corniche de Marseille. Pas plus lui que Vaucher, architecte suisse du Pharo, ne dédaignent de siéger au consistoire et d’y donner les meilleurs conseils. Autre architecte, très célèbre, le Nîmois Espérandieu, qui a travaillé pour Notre Dame de la Garde, la cathédrale, le palais Longchamp.

 

Dans les classes sociales moins huppées, il faut noter l’importance de deux groupes, venus d’ailleurs : les Suisses et les Vaudois du Piémont. Ces derniers sont membres de l’Eglise vaudoise italienne, la chiesa valdese, et viennent pour les grands travaux d’urbanisme, à l’époque du Second Empire. Les Suisses sont plutôt domestiques, et réussissent particulièrement dans les métiers de l’horlogerie-bijouterie et de la pâtisserie-confiserie; citons les firmes bien connues Bornand, Castelmuro. Les Suisses de langue allemande sont à l’origine de l’église suisse, rue Bel-Air - aujourd’hui centre Guillaume Farel. Après la guerre de 1870, des Alsaciens viennent grossir le nombre de ces protestants, pour qui ont lieu des cultes en allemand.

 

L’Eglise protestante de Marseille joue un rôle non négligeable, en Provence et outre-mer. C’est elle qui est à l’origine des implantations à Aix, Arles, Toulon, et qui soutient le mouvement d’évangélisation qui prend son essor dans la seconde moitié du XIXe siècle (auparavant, tout prosélytisme est prohibé). C’est aussi de Marseille que part et est géré le mouvement missionnaire vers l’outre-mer, quelque soit le statut administratif du territoire : Corse, Algérie, Afrique noire, Tonkin. A la fin du XIXe siècle, l’Eglise de Marseille apparaît comme un centre de rayonnement et de gestion pour la région et l’outre-mer.

 

 

CITOYENS ET ACTEURS DANS LA SOCIETE CONTEMPORAINE

 

Tout le monde connaît le profond bouleversement qu’a apporté, en 1905, la loi de séparation des Eglises et de l’Etat. Les protestants l’ont accueillie avec faveur - l’un des artisans de la loi était le protestant Louis Méjan -, préférant l’indépendance aux bienfaits de la participation financière de l’Etat. Cette évolution, importante au plan structurel, est, finalement, de peu de poids pour la vie de la société.

 

Le XXe siècle est celui de vastes mutations, économiques, culturelles, sociales. Les deux guerres, succédant à celle de 1870, ont profondément marqué les esprits et les coeurs. Contrairement à ce qu’ont pu prétendre quelques critiques, suscitées dans l’opinion publique par l’origine souvent étrangère de certaines familles protestantes, l’élan patriotique y est exactement le même que chez l’ensemble des Français, de nombreux témoignages en existent. De même, beaucoup de protestants ont oeuvré dans la Résistance; deux pasteurs de Marseille l’ont payé de leur vie. Autre aspect : des familles persécutées en raison de leur appartenance raciale ont été accueillies, cachées, sauvées; certains en témoignent encore.

 

D’autres chrétiens, bien sûr, ont eu la même attitude, il n’est que de rappeler le don aux Jésuites, par la famille Rothschild, du domaine de Chantilly, en remerciement du sauvetage d’enfants juifs; mais il est bon de signaler le rôle des protestants.

 

La présence de lignées protestantes, au XXe siècle, dans l’économie, la politique, l’action sociale, reste constante. Deux maires protestants ont marqué la ville : Siméon Flaissières, médecin à l’idéal humanitaire, Gaston Defferre, avocat, à qui une présence de trente ans à permis de réaliser de grands travaux. La chambre de commerce a compté dans ses rangs des hommes d’affaires protestants; deux d’entre eux l’ont présidée, André Cordesse et Pierre Keller.

 

Aux oeuvres sociales du XIXe siècle, orphelinat, hôpital, sont venues s’ajouter des créations locales, comme le centre Jane Pannier, destiné à secourir les femmes en détresse, ou plus vastes, telles l’Armée du Salut, la CIMADE, aux multiples activités charitables. Malgré le caractère désormais officiel de l’aide sociale généralisée, ces oeuvres restent précieuses pour secourir bien des misères particulières.

 

Les protestants, faut-il le rappeler, ont été à la pointe des mouvements de jeunesse, Unions chrétiennes de jeunes gens, de jeunes filles, et Scoutisme. Les Eclaireurs unionistes existent à Marseille depuis 1912. Un peu essoufflés aujourd’hui - les jeunes sont sollicités par d’autres activités, et le recrutement des cadres est devenu très difficile -, ces mouvements sont néanmoins vivants. A la fin du XIXe siècle, s’est créée la Fédération française des associations chrétiennes d’étudiants, qui a connu un grand succès entre les deux guerres, et semble en passe de renaître de nos jours.

 

Le mouvement oecuménique intéresse, au premier chef, les protestants. A notre époque, on ne parle plus d’une Eglise, mais d’Eglises, communautés nombreuses, souvent peu importantes numériquement, mais très dynamiques au plan de l’évangélisation. Cette dispersion n’empêche pas les contacts, et les contacts avec les autres confessions, essentiellement, bien sûr, avec les catholiques. Après des débuts difficiles, l’oecuménisme a progressé après les épreuves de la seconde guerre mondiale, et le congrès Vatican II. Quelques signes, à Marseille, sont encourageants : l’existence d’une radio chrétienne : « radio dialogue », groupant arméniens, catholiques, orthodoxes, protestants; l’exposition biblique organisée en 1995 par les diverses Eglises chrétiennes, qui a connu un grand succès, et a permis aux organisateurs et aux participants des contacts enrichissants et de grandes satisfactions.

 

 

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Nous voici en l’an 2000. Le courant de pensée de la Réforme est représenté dans notre ville par des communautés religieuses, des mouvements, des oeuvres, groupant des Marseillais de toutes conditions sociales et de toutes origines; comme à toutes les époques, ils sont peu nombreux, mais non négligeables pour autant.

 

Voici peu - en 1998 - on a beaucoup parlé de l’édit de Nantes, en en célébrant le quatre-centième anniversaire. Au-delà de tout commentaire, il faut bien constater que, en donnant aux protestants un statut particulier, il a contribué à les marginaliser. Petit troupeau, donc, mais nullement à l’écart, de nos jours, des autres Marseillais, avec les mêmes droits et les mêmes devoirs, conservant, pourtant, sa spécificité pour aller de l’avant, appuyé sur ses convictions et sur l’histoire.

 

 

Madeleine VILLARD

Article publié dans la revue de la SHPMM numéro 2

ISSN 0292-0069

 

 

* Madeleine Villard, Protestants à Marseille. Histoire d’un groupe social. La Thune, Marseille, 1998, 127pp., ill.


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