La querelle des Indulgences,

affaire de conscience, affaire « d’Etat » ?

A la veille de la Toussaint 1517, Martin Luther, moine augustin, affiche ,ou n’affiche pas d’ailleurs, peu importe, ses thèses sur le « babillard », à côté de la porte de l’église du château de Wittenberg. Ce n’est pas un geste de provocation, c’est un affichage normal, pour une controverse, une « disputatio » : Carlstadt,quelques mois avant lui, avait fait de même. Luther donc souhaite engager un débat public. Il adresse, dans le même temps, un courrier à l’Archevêque Albert de Brandebourg, demandant que les prédicateurs modifient leurs pratiques :

« (...) Vénérable Père en Christ, illustre Prince... Que Votre Grandeur, me pardonne, si moi, le plus vil des hommes, j’ai la témérité de Lui écrire ... Les Indulgences Papales sont colportées dans le pays sous le Nom de Votre Grandeur pour la construction de Saint Pierre ... Je déplore les fausses idées que ces prédicateurs répandent partout. Ces malheureuses âmes se figurent que, si elles achètent des lettres d’indulgences, elles sont sûres de leur salut... C’est ainsi que les âmes confiées à vos soins ... apprennent à marcher vers la mort ... C’est pourquoi je ne puis me taire plus longtemps ... Votre Grandeur pourra prendre connaissance de mes thèses ci-jointes. Elle verra combien la doctrine des Indulgences est discutable. »

  L’Eglise Institution et le moine augustin  considèrent l’affaire des indulgences de deux points de vue différents. La première défend la pratique courante, ce que l’on peut appeler la tradition remontant dans l’ensemble au Moyen Age. Luther quant à lui se place du point de vue de l’Ecriture Sainte dont il est « lecteur » et montre la distorsion existant entre la pratique et la réalité scripturaire. Dès le début  de l’affaire, on ressent  comme un malentendu. C’est donc cette  dispute, cette controverse, bref cette querelle  qui va propulser Luther sur le devant de la scène politico-religieuse de son temps, car ses thèses vont  rapidement trouver  écho dans toute l’Allemagne et plus loin encore. L’affaire va donc être en quelque sorte « médiatisée ».

L’indulgence, rachat de la pénitence..

C’est dans la seconde partie du XI e siècle qu’apparaît la pratique de l’indulgence. Elle est en relation avec la pratique de la pénitence. Cette dernière était publique pour les fautes publiques et privée pour les fautes privées. C’est à partir du IX e siècle que la pratique de la pénitence privée prévaut. C’est le Concile de Latran en 1215  qui en décide ainsi en instituant officiellement la confession sacramentelle. Le fondement théologique de l’Indulgence est le pouvoir des clefs. Cela suppose que les successeurs de Pierre peuvent utiliser, en faveur des vivants et des morts, le Trésor infini des grâces acquises par la Passion du Christ et les mérites des Saints. Cette doctrine, qui n’apparaît pas dans les premiers siècles de l’Eglise, s’élabore peu à peu avec Alexandre de Halés (1180-1245), Bonaventure (12221-1274) Thomas d’Aquin (1224-1274).

Ce dernier distingue dans le péché un double élément : un élément matériel et un élément formel. Le premier est la concupiscence dont parle déjà Augustin, et le second est la privation de la grâce sanctifiante. Le péché en conséquence est puni ( pénitence) par une double peine, si l’on peut ainsi s’exprimer : une peine matérielle, temporelle : pena, et une peine spirituelle culpa. Thomas d’Aquin, à la suite de Pierre Lombard le maître des Sentences, divisait la pénitence  en trois parties : la contrition, la confession ,la satisfaction . Luther reviendra sur ces notions dans son Sermon sur l’Indulgence et la Grâce. Le « privilège de l’Indulgence » porte sur la satisfaction :pena . Prières, jeûnes et aumônes dispensent en quelque sorte de la peine temporelle. Mais la peine spirituelle, culpa, reste affaire d’absolution.

 Or, au fur et à mesure  que le temps passe, ( X e siècle et Croisades) un glissement se fait de manière insensible, on passe de la commutation de la peine à la rémission de cette même peine. La Papauté,quant à elle, déclare que l’indulgence qu’elle proclame relève le pécheur de toute sa faute . Cette opinion n’est pas partagée par tous les Docteurs de l’Eglise et la question reste ouverte. Cependant la grande majorité des fidèles, ignorante des subtilités théologiques, pense que l’indulgence Papale remet la totalité de la peine. Peu de prédicateurs, il est vrai, l’en dissuadent. Les choses vont se compliquer lorsque Sixte IV(1471-1484) en 1476 va permettre l’assimilation entre prière et versement d’argent.

L’affaire se déclenche en 1517. Jules II, un Pape Médicis, ( 1503-1513), amoureux des Lettres et des Arts, grand Mécène,  décrète une Indulgence pour la construction de Saint Pierre de Rome en 1507. Cette Indulgence sera confirmée par son successeur Léon X en 1511, et en 1515 (Indulgence du Jubilé : Année Sainte tous les cinquante ans). L’Indulgence du jubilé a donné lieu a une abondante littérature, en particulier de Paltz, un des maîtres de Luther. Dans son travail, intitulé coelifodina, il distingue pour sa part entre le sacrement de pénitence qui réconcilie avec Dieu et l’Indulgence qui libère des peines. Le jubilé, pour lui, remet culpa et pena. L’absolution est donnée au nom de l’autorité pontificale. Il est bien entendu que le « pécheur » est repentant ! Ainsi donc, d’après Paltz, le jubilé accorde une triple absolution, celle de la faute (culpa), celle des peines canoniques (peines d’Eglise pena ), et  peines temporelles, au Nom de Dieu. Cette manière d’annoncer l’Indulgence, pour le maître de Luther, était une forme « d’évangélisation » puisque les pécheurs se convertissaient, à l’annonce de l’Indulgence.

Luther et les Augustins connaissaient  bien le problème, puisque leur protecteur, le Duc de Saxe (Frédéric III), avait sa propre collection de reliques valant Indulgences, qu’il exposait dans l’Eglise du château, spécialement bâtie pour elles ! (Stiftskirche) . Son catalogue mentionnait 17443 « reliques particules » conférant 127 799 années d’Indulgence et quelques jours ! La plus précieuse de ces reliques était une épine de la couronne du Christ, offerte à Rodolphe de Saxe par Philippe VI..  De plus depuis 1398, Wittenberg ( Château- Résidence de l’Electeur de Saxe depuis 1422), possédait le privilège d’accorder l’Indulgence plénière de la Portioncule ou Pardon d’Assises, à tous ceux qui verseraient une offrande le jour de la Toussaint, après s’être confessés. Ce Pardon avait été accordé, dans un premier temps en 1211,par Honorius III à la première maison franciscaine près d’Assises .

En Allemagne du Nord, puisque c’est ici que se cristallise le problème, c’est à l’Archevêque de Mayence, Albert de Brandebourg( un Hohenzollern, frère du Margrave de Brandebourg, Joachim Ier), qu’est confiée la charge de l’Indulgence Papale. En effet, beaucoup d’Etats Allemands avaient refusé que cette Indulgence soit « prêchée » sur leur territoire. La Curie Romaine, pour convaincre Albert, lui avait proposé 50% de la recette, s’il se chargeait de la « vente » sur ses terres. Albert de Brandebourg, 27 ans en 1517, cumulait l’évêché d’Halberstadt (il en était administrateur depuis Septembre 1513), l’archevêché de Magdebourg( dont il était titulaire depuis le 30 Août 1513) et l’Archevêché de Mayence ( depuis Mars 1514). Cet Archevêché conférait à son titulaire la charge de chancelier d’Empire, c’est à dire qu’il était, en quelque sorte, chef de l’Eglise Allemande, Primat de Germanie. Pour cela il recevait le Pallium, bande de laine blanche bordée de six croix noires, que l’on porte autour du cou. La laine qui composait ce vêtement venait des agneaux bénis en l’église Sainte -Agnès -hors -les -murs (à Rome). Ce pallium était porté par le Pape, et par les Archevêques éminents, en signe de participation à l’autorité pontificale. Le Pape Léon X avait accepté ce cumul irrégulier de trois charges épiscopales, moyennant une lourde taxe, 21OOO florins, que l’archevêque avait empruntés aux banquiers Fugger (20% d’intérêt ! ) . Le comptoir des Fugger était au début du XVI e siècle la banque des princes et des hauts dignitaire ecclésiastiques allemands. On voit ici un glissement subtil, puisque les agents de la maison Fugger (combinaison ou arrangement financier du 14 février 1516) devaient accompagner le moine dominicain Tetzel, sous -commissaire à l’Indulgence, et prélever directement sur la recette !

Tetzel (1465-1519) avait déjà été sous- commissaire pour la prédication d’une Indulgence au profit des chevaliers Teutoniques au début du siècle. Il n’en était donc pas à ses débuts. Il semble partisan d’une méthode pour le moins abrupte et simpliste : toutes les fois, déclare- t-il en substance, qu’une pièce tombe dans l’ escarcelle, une âme s’envole du purgatoire ! ( Sobald das Geld im Kasten klingt, Die Seel’aus dem Fegfeuer springt! ). C’est faire peu de cas    et de l’Indulgence elle-même et du repentir des fidèles. D’ailleurs cette manière de procéder avait été condamnée en son temps par la  décrétale Abusionibus en 1312,  et en Sorbonne  en 1482.On voit qu’il n’y a là rien de nouveau. En fait, Tetzel offrait, au nom d’Albert de Mayence, quatre grâces principales.

·     La première se décomposait en : Plenaria remissio  omnium pecatorum, c’est à dire la rémission plénière de tous les péchés, puis la rémission plénière des peines temporelles ainsi que celles devant être subies au purgatoire : Poenae in purgatorio  luendae plenissime remittuntur. Bien sûr pour obtenir ces « rémissions » il fallait être contrit,  et s’être confessé.

·     Tetzel offrait aussi une deuxième grâce, le confessionale c’est à dire le droit de choisir un confesseur et d’en recevoir deux fois l’absolution, ainsi qu’une Indulgence plénière. Cette grâce permettait aussi d’être  délié d’ un vœu, trop hâtivement prononcé.

·     Il proposait ensuite la participation à tous les biens spirituels de l’Eglise et, enfin,

·     l’indulgence plénière pour les âmes du Purgatoire.

Les thèses de Luther.

Rédigées en Latin (donc destinées avant tout aux théologiens, lettrés...) les thèses sont sous le signe du paradoxe. Violentes par la forme, mais modérées par le fond, elles ne se veulent pas des thèses de rupture, ni de réforme de l’Eglise. Elles ne contiennent pas d’attaques virulentes contre la Papauté. Elles soutiennent, par contre, que les Indulgences n’ont pas la vertu de justifier les pécheurs. Seul Dieu peut accorder le Salut et remettre les peines. C’est donc par la Pénitence et la Charité que l’on arrive au Salut. Martin Luther prêche donc un vrai repentir, une vraie conversion. Il semble qu’il n’y ait là rien d’extraordinaire, d’autres avant lui avaient tenu ce discours. Mais l’on sent chez le moine Augustin comme un sentiment tragique du péché. Son souci permanent est le salut des âmes.

Les 95 thèses peuvent s’ordonner en cinq parties :

·     les  sept  premières forment un prélude.

« (...)En disant  : « Faites pénitence...» notre Seigneur et Maître Jésus-Christ a voulu que toute la vie des fidèles soit une pénitence . » (thèse 1) . Dans cette proposition, Luther recentre en quelque sorte la démarche chrétienne. Nous sommes toujours pécheurs. Comme Paul aux Thessaloniciens, nous pouvons dire que nous sommes  « Loin de la face du Seigneur ! »  (2 Th 1 9.)

Il faut apprendre aux chrétiens qui est Dieu et combien grande est sa grâce.

·     de la thèse 8 à la thèse 29, Luther attaque les Indulgences en faveur des âmes du Purgatoire.

« (...) Cette crainte et cette épouvante sont suffisantes pour constituer à elles seules (pour ne pas parler du reste) la peine du purgatoire, car elles sont proches de l’horreur du désespoir  » ( thèse 15.)

« (...) Ils prêchent l’homme, ceux qui disent qu’aussitôt tintera l’argent jeté dans la caisse, aussitôt l’âme s’envolera (du purgatoire)  » (thèse 27.)

Les Indulgences exploitent, chez l’homme, la peur panique de la mort et du jugement. Le pouvoir papal ne peut s’étendre au-delà de la mort. Dieu, seul, est souverain.

·     de la thèse 30 à la thèse 68, le moine traite cette fois-ci de l’Indulgence en faveur des vivants.

« (...) Ils prêchent le contraire de la vérité chrétienne, ceux qui enseignent que la contrition n’est pas nécessaire aux personnes qui veulent racheter des âmes ou acquérir des billets de confession   »(thèse 35)

« (...)  N’importe quel chrétien, vraiment repentant, a pleine rémission de la peine et de la faute ; elle lui est due même sans lettres d’indulgences.  » (thèse 36)

« (...) La sincérité de la contrition recherche et aime les peines, mais la profusion des Indulgences les fait négliger et haïr ; du moins en donne- t- elle l’occasion ». (thèse 40) 

« (...) Il faut apprendre aux chrétiens que celui qui donne aux pauvres, ou prête à celui qui est dans le besoin, fait mieux que s’il achetait des indulgences.   »(thèse 43)

« (...) Car par l’œuvre  de la charité, la charité grandit, et l’homme est rendu meilleur, tandis que par les Indulgences il n’est pas rendu meilleur, mais est seulement davantage libéré de la peine   »(thèse 44). 

« (...) Ils sont ennemis du Christ et du pape ceux qui ordonnent que la Parole de Dieu soit complètement réduite au silence dans les autres églises afin que les Indulgences soient prêchées   »(thèse 53)

« ( ...) On fait injure à la Parole de Dieu, lorsque dans le même sermon on consacre aux Indulgences autant ou même plus de temps qu’à cette parole   »(thèse 54)

« ( ...) Mais le vrai trésor de l’Eglise c’est le sacro-saint Evangile de la gloire et de la grâce de Dieu » (thèse 62). 

La pratique de l’Indulgence  détourne,en fait, les vivants et de la pénitence authentique, et du devoir de charité. Or celui-ci est fondamental comme témoignage au sein de la communauté. Mais surtout la prédication de l’Indulgence amène les hommes à se détourner du seul trésor de l’Eglise : la Parole de Dieu !

·     de la thèse 69 à la thèse 91, Luther critique âprement de nouveau la pratique des Indulgences, en une synthèse brillante, mais il demande en plus des comptes à la papauté.

« (...) Dire que la croix dressée de manière éclatante dans les armes papales équivaut à la croix de Christ est un blasphème  »(thèse 79).

« ( ...) Cette prédication déréglée des Indulgences fait qu’il n’est guère possible, même à des hommes savants, de préserver le respect dû au pape des calomnies ou des questions parfaitement pertinentes des laïcs   »(thèse 81)

« ( ...) A savoir : pourquoi le pape ne vide- t-il pas le purgatoire pour l’amour de la très sainte charité et du besoin impérieux des âmes, ce qui est le motif le plus juste de tous, alors qu’il rachète les âmes en nombre infini pour l’amour très funeste de l’argent en vue de l’érection de la cathédrale Saint Pierre,ce qui est le motif le plus inconsistant ? » (thèse 82) .

Luther lance un avertissement : il sera difficile que le pape continue à être respecté si les abus persistent. Garder dans des armoiries la croix pour rivaliser en quelque sorte avec Dieu lui-même est blasphématoire. On voit ici apparaître la question de l’autorité.

·     Enfin, dans les 5 dernières thèses, il parle de la Croix « dans l’expérience chrétienne », pour reprendre le titre d’un livre fort connu.

« (...)Qu’ils s’en aillent donc ces prophètes qui disent au peuple de Christ : « Paix, paix » et il n’y a point de paix   » (Ez 13-16) (thèse 92)

« ( ...) Qu’ils soient heureux dans leur activité, tous les prophètes qui disent au peuple de Christ : « Croix, croix  » et il n’y a pas de croix » ! (thèse 93)

Le sujet est en effet brûlant : Que fait-on de la grâce de Dieu, du Christ, de la Croix ? Qui a le « pouvoir des clefs », qui détient l’autorité (pouvoir) ? Ce sont des questions essentielles en ce début du XVI  siècle. C’est vrai, la vie chrétienne était devenue affaire de procédés. L’Indulgence endormait les consciences car elle se présentait comme une «  assurance sur l’au-delà ». Mais l’avertissement de Luther aurait pu rester  lettre morte. Des théologiens avant lui s’étaient élevés contre ces pratiques, en vain. Or, une série de circonstances  se produisent. L’archevêque Albert de Brandebourg, lorsqu’il reçoit les thèses, les transmet aussitôt à l’Université de Mayence  (concurrente de celle de Wittenberg) car il soupçonne  une hérésie possible. Celle-ci ne trouve rien à redire sauf sur un point. Mais l’archevêque transmet à Rome, peut-être par simple zèle. La querelle des Indulgences débute.

Les thèses de Luther, pendant ce temps s’impriment, se diffusent, et ce dernier devient (malgré lui ?) porte- drapeau de revendications latentes ; certaines concernent le « pouvoir » (l’Allemagne déteste le pouvoir romain) ;d’autres concernent l’enseignement donné, la scolastique, que les humanistes critiquent ;  des problèmes ,que l’on appelle de nos jours de conscience, se posent à tous.  Pierre Chaunu l’a écrit : l’oeuvre du moine de Wittenberg fait écho aux problèmes de son temps et il est comme emporté par une spirale puisqu’une série de débats porte sur les Indulgences. Ulrich Von HUTTEN, dès qu’il a connaissance de la controverse, écrit à un ami :

« (...) Tu connais la nouvelle ? A Wittenberg, en Saxe, on se révolte contre l’autorité du pape. Ce sont les moines qui sont dans le coup,et les autres moines veulent leur faire un mauvais parti.  » 

C’est de la réaction de la papauté que va dépendre la suite des événements. Comme pour Jean HUSS, le Réformateur de Bohème, venu trop tôt  ( fin du XIVe  siècle), comme pour  WYCLIFF en Angleterre, se pose la question : est-ce une hérésie ? Si oui, comment va- t-on la détruire ? Rappelons pour mémoire que Huss participe du mouvement de réforme de l’Eglise : il a adressé de violents reproches au clergé, qualifié d’immoral, et a été condamné au bûcher en 1414 par le Concile de Constance. Rome veut réagir. Mais derrière Luther des « nationalistes » sont prêts à combattre le pouvoir pontifical. , les problèmes latents semblent se cristalliser autour de notre moine. Ceci peut-il expliquer cela ? Certes la conjonction des événements extérieurs est favorable à un tel mouvement, mais pourquoi Luther plutôt que l’un des grands humanistes en renom à cette époque, comme ERASME par exemple, auteur de  l’« Eloge de la folie » ? Pourquoi cet homme ?

Luther théologien et religieux.

On admet communément que Martin Luther est né le 10 Novembre 1483, mais il n’y a pas de certitude absolue car, si la mère de Luther se souvenait fort exactement du jour et de l’heure de la naissance de son aîné, elle n’était pas très sûre de l’année. Quant au lieu de naissance, c’était la ville minière d’Eisleben en Thuringe, dans le Comté de Mansfeld, en Saxe.

Son père, Hans Luther,était un petit exploitant des mines de cuivre, richesse  de la région . Martin Luther est donc un homme du tout début du XVIe  siècle.

Peu après la naissance de Martin, ses parents viennent se fixer à Mansfeld. Plus tard il fréquente diverses écoles dans sa ville, école communale, ( trivialschule), école cathédrale,( domschule). A Magdebourg en 1497,il étudie chez les Frères de la Vie Commune (nullbrüder). Fondés par Gert Groote  aux Pays Bas en 1387, ce sont les initiateurs de  la « Devotio Moderna ».Maître Eckhart, Henri Suso, Jean Tauler  Marguerite Porete, sont quelques uns des plus illustres représentants de ce courant de pensée. Ce mouvement a permis aux laïcs de pénétrer le monde des religieux jalousement gardé jusque là. Il démontre que l’on peut mener une vie chrétienne sans être obligatoirement moine. Enfin Martin fréquente l’école d’Eisenach en 1498 où il reçoit une généreuse hospitalité d’une famille patricienne : celle de Kunz  Cotta et de sa femme Ursule. Toutes ces écoles correspondent à nos établissements d’enseignement secondaire. On y enseignait le Trivium c’est à dire la grammaire, la rhétorique et la dialectique. Avec sa vigueur d’expression coutumière,Luther les a sévèrement jugées : « Nous y avons été martyrisé ... nous n’y avons rien appris par suite de la frayeur dans laquelle nous mettait la fréquence des châtiments   » . Le père de   Martin qui a l’ambition de faire de lui  un  juriste, l’envoie à l’Université d’Erfurt (1501) où il prend successivement les grades de bachelier et de maître en philosophie (1505) avant  d’ aborder l’étude du droit.

C’est un événement imprévu, ou plutôt la conjonction de plusieurs événements ,qui précipite le jeune homme au couvent. Examinons ce que nous en savons. Le jeune Martin semble avoir été fortement impressionné et par la peste qui éclate à Erfurt  et par la mort subite d’un camarade tué en duel. On raconte aussi que, le 2 juillet 1505, sur la route entre Erfurt et Stottenheim, il  a failli être tué par la foudre . Epouvanté il fait vœu  de se faire moine. Peu de jours après, le 16 juillet 1505, et malgré les supplications de ses parents dont il déçoit toutes les ambitions, il entre au couvent des Ermites de Saint Augustin, à Erfurt. Il devient très vite un religieux ardent. Rappelons au passage cette phrase de Tertullien : « on ne naît pas chrétien, on le devient ». Martin, bien que vivant à une époque où le religieux était une composante incontournable de la société, avait besoin d’une rencontre... 

Ordonné prêtre en 1507, Martin est bientôt désigné pour enseigner la Philosophie au couvent d’études d’Erfurt. Simultanément il étudie lui-même la Théologie ; ce mot est relativement récent : il apparaît dans son usage actuel chez Pierre Abélard (1079-1142). Appelé dès 1508 par le Supérieur Général de son Ordre, Jean de Staupitz, à l’Université de Wittenberg, Martin Luther y donne, dans un premier temps, un enseignement scolastique ( de scola = école ). Commentaires, Sommes et Questions forment la base de la Scolastique. Le « manuel officiel », dont se servaient les professeurs pour bâtir leurs cours, est le livre des Sentences  de Pierre Lombard (mort en 1160) . Ces « Sentences » sont divisées en quatre livres  qui suivent un ordre systématique : extraits de l’Ecriture, des Pères de l’Eglise, des auteurs connus. Pour les hommes du Moyen Age il s’agissait de retransmettre les acquis antérieurs en particulier ceux des Anciens.  Pendant cinq siècles ces ouvrages seront au programme des facultés de théologie, même si plus tard la Somme Théologique de Thomas d’Aquin  les supplante. Luther prend également le grade de Bachelier Biblique en 1509. Parallèlement il commence à prêcher. En 1510-1511, il est envoyé à Rome pour les affaires de son Ordre. Certes, il y perçoit quelques-uns uns des abus ecclésiastiques qui y règnent, mais il ne s’en laisse guère émouvoir, semble- t- il. De retour à Wittenberg il reprend ses études. Il devient successivement licencié puis Docteur en Théologie (1512). Il se distingue déjà de la théologie régnante en ce qu’il est un ardent lecteur de la Bible. Il a acquis vis à vis d’elle une grande familiarité.

Dans sa recherche il se sert déjà des moyens linguistiques modernes que propose L’humanisme. C’est en Italie, comme chacun sait, qu’apparaît dès le Quinzième siècle le premier intérêt pour l’Antiquité. Si la redécouverte, dans un premier temps, est essentiellement archéologique, dans un second temps elle s’intéresse aux lettres gréco -latines. Dante Alighieri, Pétrarque, Boccace vont jouer le rôle de précurseurs puisqu’ils collectent, traduisent et remettent à l’honneur d’anciens manuscrits. La prise de  Constantinople par les Turcs joue  également un rôle important car les professeurs byzantins vont affluer en Italie et remettre l’hellénisme à la mode. La philologie moderne connaît son précurseur en la personne de Laurent Valla (1405-1457), rédacteur de la Curie romaine, maître de l’élégance ( Elegantiae latinae linguae, « élégance de la langue latine ») professeur de rhétorique à Pavie. Lefèvre d’Etaples, professeur de philosophie à Paris, humaniste chrétien, travaille, de son côté, à restituer le génie d’Aristote. Chez Luther, l’étude purement intellectuelle ne fait qu’un avec la prière et la méditation. Rappelons que Martin est un lecteur de l’Ecriture Sainte, il lit la Bible et s’en nourrit.

A l’époque de Luther la forme de scolastique enseignée en Allemagne était  la via Moderna, ( à ne pas confondre avec la devotio moderna) c’est à dire la conception du monde élaborée par Guillaume d’Occam et les nominalistes. Le Nominalisme se déclarait véritable Aristotélisme. Ainsi la Théologie n’était plus qu’un exercice dialectique qui n’avait que peu de rapport avec l’enseignement traditionnel. Déjà en 1244 Eudes de Châteauroux déclarait : « (...) Beaucoup comptent pour rien les paroles de la théologie et des Pères mais jugent excellentes celles des païens, se rendant ainsi aux fils des Grecs c’est à dire aux philosophes ». Or nous l’avons dit, le Moyen Age s’est appliqué à transmettre la culture antique renouvelée et éclairée par l’apport chrétien..

Le thomisme est considéré comme le type le plus parfait de la scolastique : il s’agit de l’effort incessant pour manifester l’accord de la raison naturelle et de la foi. Aux preuves à priori de l’existence de Dieu, Thomas d’Aquin (1225- 1274), le «  Doctor angelicus », préfère une démonstration  « a posteriori  » c’est à dire qui remonte des effets à la cause. IL a en effet proposé d’adapter le système d’Aristote comme base de la pensée et de la théologie chrétienne, suivant en cela son maître Albert le Grand. Il s’agit donc d’un exceptionnel effort de synthèse. Pour mémoire, rappelons, que quelques-uns unes des propositions de Thomas furent condamnées par l’évêque de Paris en 1270 et 1277 ! Mais Jean XXII le canonisa en 1323. Thomas d’Aquin expliqua, tout d’abord, qu’il n’y avait pas forcement contradiction entre la philosophie et la Révélation. En effet, par la philosophie nous pouvons appréhender tout ou partie de la Vérité. Mais le Docteur dominicain alla plus loin encore, il soutint que la métaphysique d’Aristote prouvait l’existence de Dieu, cause première.

                 Luther était également un lecteur assidu des Pères de l’Eglise et particulièrement d’Augustin. Ce dernier déclare : « La grâce est venue par Jésus Christ » et « l’homme a pu tomber de son propre mouvement mais il ne peut de lui-même se redresser ». Cet auteur aura une grande influence sur Martin. Le point de départ de son évolution intellectuelle est donc une savante combinaison entre la pensée de Guillaume d’Occam et celle d’Augustin,  Comme le dit E Gilson, cette fin du Moyen Age connaissait un courant de pensées dans lequel on travaillait à la synthèse de ces deux écoles.

L’Allemagne de l’Empire et de l’humanisme :

Luther vivait comme le dit excellemment  Jean Delumeau, «  dans une époque troublée qui voyait s’affirmer l’individualisme, où les fidèles, de plus en plus, avaient besoin d’une théologie vivante et solide, où le clergé était peu instruit dans l’ensemble » où le nombre des « lisant- écrivant », comme les appelle Pierre Chaunu, était  en constante augmentation  avec ce multiplicateur qu’était l’imprimerie, où l’Europe lettrée « couvrait à peine un demi-million de kilomètres carrés autour du fleuve Rhin, où l’Italie d’abord puis l’Europe entière sera traversée par le courant de l’humanisme triomphant ».

Sur le plan politique, l’Allemagne fait partie du Saint Empire Romain germanique ; le souverain de cet empire se dit supérieur aux autres souverains d’Europe et en particulier aux rois d’Occident. Ce sont les Habsbourg qui règnent sur le Saint Empire, à l’époque qui nous occupe. L’Empereur n’est pas héréditaire mais élu. Dans le texte de  La Bulle d’Or de 1356, promulguée par l’Empereur Charles IV de Luxembourg, la procédure d’élection a été définie avec soin. Les électeurs se réunissent à Francfort et l’archevêque de Cologne sacre le nouvel élu comme roi de Germanie. Au nombre de sept, ces électeurs ont,  de  fait une véritable autonomie et jouissent d’un prestige considérable. Ils forment, autour de l’Empereur un Conseil Permanent. En cas de vacance du pouvoir, l’intérim est assuré par le Comte Palatin et le Duc de Saxe ( qui joue un grand rôle dans « l’affaire Luther »). Les Habsbourg seront élus régulièrement à partir de 1438 parce qu’ils possédaient personnellement les Etats les plus importants. Cela signifiait pour l’ensemble de l’Empire (une sorte de confédération ) de sérieuses économies, l’empereur  prélève des taxes sur ses propres états et donc, pour les autres états cela signifie une moins grande participation financière. Mais le pouvoir impérial est pratiquement dépourvu de moyens d’actions efficaces : Machiavel déclarait : « Pour l’Empereur, il suffit pour qu’il se trouve réduit à l’impuissance, qu’il ne soit pas aidé par les princes ». En effet une grande partie du pouvoir politique ( et cela va se renforcer tout au long du XVIéme siècle avec l’ introduction du droit Romain qui renforce le pouvoir de  l’Etat ) est  aux mains d’un grand nombre de princes, sans compter ici comme ailleurs les exceptions, comme les quatre -vingt -cinq villes libres, divisées en villes impériales comme Francfort et Nuremberg, et  villes libres d’Empire, dont la libération du joug épiscopal est plus récente, comme Strasbourg, Worms, par exemple. Il y a enfin  ce que l’on nomme les Seigneuries immédiates.

Ainsi l’Empereur règne sur un ensemble d’une relative complexité. Pourtant Maximilien 1er, fils de Frédéric III, élu en 1493,va travailler à unifier cet Empire, et à en faire une « véritable monarchie ». Mais sa mort en janvier 1519 ne va pas arranger les choses, bien au contraire. La société allemande  est une et multiple. Elle est riche en particulier autour du fleuve Rhin. Ici s’est épanouie la société d’Ordres dont parle Georges Duby. Cette société est née de la christianisation de l’Allemagne et de sa mise en défense contre l’Est Européen, contre Slaves et Hongrois en particulier, au cours du haut Moyen Age. La paysannerie est dans  l’ensemble soumise aux Seigneurs. ,des nuances existent de l’Est à l’Ouest.  Mais cette société qui se veut « immuable »  a vu naître la bourgeoisie urbaine. D’après le R.P. Mols, environ 13% des habitants de l’Allemagne vivent dans des villes et le petit monde des artisans grandit. Les activités ne manquent pas : textile, métallurgie par exemple ; notons en passant l’activité du père de Luther. Ces villes allemandes d’ailleurs joueront un rôle important dans le processus de la Réforme. Enfin les grands commerçants,marchands banquiers par exemple, prospèrent au Nord, comme dans les villes hanséatiques au nombre de quatre -vingt- dix . A l’Ouest et au Sud on rencontre également d ’autres compagnies bancaires, celles en particulier dont nous avons déjà parlé.

Sur le plan intellectuel, L’Allemagne domine le marché du livre. N’oublions pas que le premier livre imprimé l’est en 1457 : c’est le psautier de Mayence, œuvre de Jean Fust et de Pierre Schoefer. Mayence est aussi ville natale de Johannes Gutenberg.Première mécanisation en quelque sorte d’un métier manuel,  l’imprimé provoque un changement de la pensée, selon la thèse de Marc Luhan. Les centres les plus importants au tout début du XVIéme siècle sont Mayence, Strasbourg, Augsbourg, Cologne et Nuremberg. Si dans un premier temps le clergé s’est félicité de cette « invention », (l’évêque d’Augsbourg en 1487 déclarait : « l’imprimerie a illuminé ce siècle »), très vite, il en voit les dangers : « arme à deux tranchants pouvant servir à la vérité comme à l’erreur ». Le savoir se répand. Les grands foyers de la vie intellectuelle sont les Universités. On en compte quinze ou seize suivant que l’on ajoute ou retranche Bale. Wittenberg, qui nous occupe, est l’une des toutes dernières créations, elle a été fondée en 1502. On y étudiait comme dans toutes les autres Universités les belles-lettres, la théologie, le droit civil et le droit canon, parfois la médecine.

Les humanistes, en Allemagne, sont essentiellement des philologues tournés vers l’étude des langues anciennes, les Pères de l’Eglise et l’Ecriture. Nous ne sommes pas en Italie où l’humanisme est plus littéraire et imite  les anciens. L’humanisme allemand fustige les abus du clergé, et s’oppose à la papauté accusée de mettre l’Allemagne à sac ! Les humanistes donc, (ce mot a été forgé au XIXéme siècle), seront, dans un premier temps, derrière Luther.

L’église et l’état devant l’angoisse du chrétien

Sur le plan religieux, la limite entre l’Eglise et l’Etat est floue, même si l’Occident voit de fait une séparation entre le spirituel et le temporel. C’est une des raisons qui ont transformé « l’affaire Luther » d’affaire de conscience en affaire d’Etat. A l’époque qui nous occupe, le Pape, lui aussi, a réaffirmé à plusieurs reprises sa supériorité sur tous les Princes d’Occident. N’a- t’il pas d’ailleurs, par  l’Interdit et  l’Excommunication, pouvoir sur les Princes et les Rois ?

Le monde du XVIéme siècle débutant est un monde où la religion joue un rôle essentiel. Le monde est rempli de Dieu. Le temps lui-même est le temps de Dieu. Mystérieusement, Celui-ci le marque de Sa présence, ainsi les miracles ne sont pas du domaine de l’exceptionnel.  Tel ou tel épisode  d’un texte nous parle d’une guérison miraculeuse. Dieu est là présent partout, remplissant le monde, Il est proche  et miséricordieux. Mais pourtant ce monde est aussi menaçant, il est le lieu d’un affrontement gigantesque. Le Mal, le mot est lâché, est bien présent. Il est tentation de la chair, tentation à laquelle succombent tous les hommes, mais il est aussi ailleurs, dans un autre monde, le monde mystérieux et terrifiant hors de l’Occident Chrétien. La menace est proche, peut-être l’Occident dans son entier va-t-il disparaître sous les coups des Turcs ?  Ces derniers sont entrés dans Constantinople  le 29 mai 1453... Les bruits les plus fous circulent. …Les hommes vivent dans l’angoisse, celle-ci les étreint profondément. Or des « prédicants » annoncent les temps de la fin, l’Apocalypse. Tout est dramatisé.  Les astrologues s’en mêlent ; n’ont-ils pas prédit un deuxième déluge pour 1524 ? La peur gagne, les petites gens prient et processionnent, même les rois les accompagnent. Mais rien n’apaise, ne console.  En ce temps c’est la colère de Dieu, l’Ira Dei, qui se profile à l’horizon. En effet  tous les hommes, rois, princes, prêtres, manants, se savent pécheurs plus ou moins consciemment. Il n’est d’ailleurs qu’à regarder autour de soi : les abus, la simonie sont monnaie courante. L’avarice, la luxure dévorent grands et petits. La chrétienté dans son ensemble est menacée et Dieu invite les siens à la pénitence. Ce monde est dur, cruel. Les guerres comme celle de Cent Ans (1337-1453) ont laissé des traces visibles. Les épidémies comme la grande peste noire (1346-1353) une des plus terribles pandémies qui a tué vingt cinq millions de personnes, ont modifié sensibilité et société. Le Grand schisme d’Occident (1378-1420) a bouleversé les consciences : qui suivre ? Le Pape de Rome ou celui d’Avignon ? . Tout cela a fortement marqué l’imaginaire, car ce schisme s’est ajouté à un autre, à une fracture essentielle, même si elle est minimisée : celle entre l’Orient et l’Occident en 1053.

Aussi le thème du jugement dernier revient-t-il ;  les danses macabres ornent les murs des cimetières. La plus ancienne, en France par exemple, serait celle  du Cimetière des Innocents à Paris (1424). Mais celle du Campo Santo de Pise est antérieure (1360-1380) ; oeuvre du Maestro del Triomfo della Morte, elle  a vraisemblablement été peinte au lendemain de la Peste de 1348 : vanité des plaisirs de ce monde, brièveté de l’existence, voilà le message qu’elle propose. Et l’on peut entendre comme en écho le texte de Thomas de Celano (1190 - 1260 ?):

« (...) Dies irae, dies villa,

Solvet saeclum in favilla :

Teste David cum sybilla...

(Jour de fureur, jour d’épouvante ;

Fin du monde en cendres fumantes !

 Témoin David et la Voyante !)

Tous ceux qui sont soupçonnés de commettre le mal, d’avoir partie liée avec le mal, les sorciers ou ceux que l’on peut penser tels, sont impitoyablement chassés ; mieux, on les élimine par le feu purificateur. C’est le décret du Pape Lucius III (1181-1185) réitéré au Concile de Latran qui institua l’habitude de remettre au bras séculier les hérétiques. Le décret « Animadversio Debita » fut adopté en France en 1229. Les sorciers jouent le rôle de « bouc émissaire », on fait retomber sur eux l’angoisse du péché, l’angoisse de la mort. Et les bûchers s’allument sans cesse. D’abord en Bohême  celui de Jean Huss ( 1369-1415) doyen de l’université de philosophie, influencé par Wyclif, condamné au Concile de Constance, puis à Florence celui  de  Savonarole (1498), pour ne citer que deux victimes célèbres. De même les Vaudois en leur temps (XII siècle), assimilés aux Cathares, ont été poursuivis. Innocent VIII en 1484, par une bulle pontificale, relance la « chasse aux sorciers ».

,Le thème de la mort est redevenu familier. On se préoccupe de bien mourir, «  en règle,» autant que faire se peut . Les ouvrages comme l’Ars Moriendi, attribué à un dominicain du prieuré de Constance, sont à la mode ; ce dernier est réédité sans cesse à partir de 1465. Nous voyons apparaître la préoccupation d’un salut individuel.

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La Consolation par l’Evangile

C’est donc par souci pastoral et pour répondre dans le même temps  au sentiment tragique du péché qui l’étreignait que Martin Luther avait affiché ses thèses. Il voulait offrir la consolation qu’il avait lui-même trouvée en lisant l’Evangile. Or, personne parmi les théologiens ne répondit à l’appel qu’il lançait ainsi. Mais cet appel retentit bientôt en Allemagne et ailleurs et, comme malgré lui, il fut emporté… 

Claude MARTINAUD

Quelques repères bibliographiques (remarque : dans les citations c’est nous qui soulignons)

1-    MICHEL A : Théologiens et mystiques au  Moyen Age. FOLIO classiques. 1997

2-    AUGUSTIN (saint) : Les Confessions  FLAMMARION.

3-    OCKAM  (Guillaume d’) : L’œuvre est importante  On compte sept volumes d’œuvres philosophiques et dix volumes d’œuvres théologiques édités à NEW YORK par le FRANCISCAN INSTITUTE.

4-     DELUMEAU Jean : Naissance et affirmation de la Réforme PUF

5-    Journal d’un bourgeois de Paris.  Denis CROUZET Le Genèse de la Réforme Française 1520 1562.SEDES 1996

6-    GILSON E : La philosophie au Moyen Age.  Petite Bibliothèque PAYOT 1944

7-    JUGNET L : Pour connaître saint Thomas d’Aquin  BORDAS 1953

8-    RIBEIRA (Alain de ) : ECKART, SUSO, TAULER ou la divinisation de l’homme  BAYARD 1996.

9-    SOUTHERN : Eglise et Société dans l’Occident médiéval  Paris FLAMMARION 1987.

10- BRUN Jean : Hellénisme et Christianisme revue HOKMA  41 ; 1988.

11- CUES (Nicolas de, Nicolas KREBS ) Opera omnia  Paris 1514

12- GRANT : The foundations of modern science in the middle ages : their religious, institutional and intellectuel context

13- PLINVAL  G : Pour connaître la pensée de saint Augustin BORDAS 1954

14-                        LE GOFF J : La naissance du Purgatoire. GALLIMARD 1991

15-                        Les œuvres de MARTIN LUTHER  Labor et Fides


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